A quinze jours d’élections municipales très difficiles Le Monde et Médiapart ont fait de fracassantes révélations sur l’existence, puis sur le contenu, d’écoutes visant un ancien Président de la République qui n’était pas candidat à ces élections[i].
Sans préjuger d’aucune manière de la réalité des délits qu’aurait ou non commis cet ancien Président, plusieurs constatations s’imposent.[ii]
Les affaires à l’origine de ces écoutes n’ont fait à ce jour l’objet d’aucune mise en examen et aucune partie civile n’y est impliquée. Il n’y a alors aucune possibilité de divulgation des informations par les parties en cause ou leurs défenseurs.
Les fuites ne peuvent donc provenir que des milieux judiciaires, de leur hiérarchie ou de leurs instruments.
Il s’agit là d’une violation manifeste du secret de l’instruction qui ne semble pourtant à ce jour faire l’objet d’aucune poursuite.
De toute évidence ces révélations étaient susceptibles d’avoir une influence sur le comportement des électeurs quelques jours plus tard et aucune raison impérieuse n’en rendait nécessaire la publication avant les élections. Le pouvoir, la justice et les medias concernés auraient même beaucoup gagné en crédibilité si ces informations avaient attendu la conclusion de l’instruction ou, à tout le moins, la fin des élections.
Alors ?
Quatre hypothèses principales viennent à l’esprit :
– Des personnels chargés de ces affaires sont sous influence du pouvoir politique et ont exaucé ses vœux,
– Des personnels, débordés de travail et/ou inconscients des conséquences électorales des fuites, ont, par mégarde, laissé échapper, à ce moment-là, quelques éléments de leur enquête,
– Des personnels, forts de convictions personnelles, ont choisi délibérément de favoriser certains partis ou même de discréditer le système démocratique au profit d’extrémismes divers,
– Le Pouvoir, informé régulièrement de ces instructions, a fourni lui-même des informations à des journalistes capables de les publier.
Chacun pourra approfondir l’étude de ces hypothèses, mais quel qu’en soit le résultat, n’aurions-nous donc le choix qu’entre une Justice sous influence, une Justice inconsciente, une Justice partiale ou un Pouvoir dévoyé ?
A une époque où disparait toute confiance dans les Institutions, les Pouvoirs et les medias, n’est-il pas urgent pour les politiques, les magistrats et leurs syndicats d’éclaircir rapidement cette affaire et de revenir à une pratique plus décente ?
Ce serait peut-être montrer un peu de respect au peuple, éviter d’injustes soupçons à l’immense majorité des fonctionnaires intègres et, qui sait, contribuer au retour du civisme.
[i] Le 7 mars 2014, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, dans le Monde révèlent que Nicolas Sarkozy est, depuis plusieurs mois, l’objet d’écoutes téléphoniques décidées par les juges Serge Tournaire et René Grouman dans l’affaire d’un éventuel soutien de la Lybie au financement de la campagne de 2007. Le 18 Mars, à cinq jours du premier tour des élections municipales, Mediapart publie certains extraits des conversations écoutées.
On apprend en particulier que, sur la base de ces écoutes, le parquet national financier a chargé fin février 2014 les juges Patricia Simon et Claire Thépaut d’une instruction pour violation du secret de l’instruction et trafic influence à l’encontre de l’ancien Président et de son défenseur, la première pour déterminer comment ils ont eu vent des écoutes les visant, et la deuxième pour une présomption de trafic d’influence auprès d’un magistrat de la cour de cassation.
[ii] L’exemple cité ici n’est que le dernier d’une série qui a émaillé la plupart des élections depuis des décennies.