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L’Ouzbékistan est d’abord un mythe, celui des immenses caravanes dans les steppes de la route de la soie et ses légendaires étapes de Boukhara ou Samarcande, ses vastes déserts, ses fertiles vallées ou ses fraiches oasis.
Mais l’Ouzbékistan se construit aussi, au-delà de cette très longue histoire, tout au long d’un siècle et demi de domination russe puis soviétique suivie d’une très longue transition toujours en cours.
Un bref rappel d’histoire récente
Les 3 khanats (royaumes féodaux) de Khiva, de Boukhara et de Kokand, ainsi que le Turkestan furent conquis et colonisés par l’empire russe dans la 2e moitié du XIXe s. Dans l’atmosphère du Décret des Nationalités de Lénine, ils crurent un instant reprendre leur indépendance en 1917, mais malgré de fortes résistances, les bolcheviks mirent rapidement les choses au point, avec le soutien de quelques mouvements locaux, pour aboutir en 1924 à la création de la république socialiste soviétique d’Ouzbékistan, et des autres républiques voisines (Kirghizie, devenue Kirghizstan, Tadjikistan, originellement rattaché à l’Ouzbékistan, Kazakhstan détaché de Kirghizie en 1936, Turkménistan). Des retouches ultérieures (dont le transfert du Karakalpakstan du Kazakhstan à l’Ouzbékistan en 1936) aboutirent à la division actuelle.
Cette colonisation neutralisa d’abord ces despotiques structures féodales devenues protectorats, modernisa les structures administratives et scolaires, et construisit quelques infrastructures générales. Rapidement la dictature soviétique prit la suite et se livra à une quasi destruction des structures religieuses et politiques, à la collectivisation des terres qui amena, comme dans d’autres régions de l’URSS, une importante famine dans les années 1930 et atteint son apothéose avec les grandes purges de 1937. L’URSS spécialisa aussi le pays dans la monoculture du coton, aux lourdes conséquences, dont l’assèchement de la mer d’Aral.
La 2e guerre mondiale obligea l’URSS à déplacer ses industries occidentales, amena en Ouzbékistan plusieurs centaines de milliers de réfugiés russes et de nombreuses industries lourdes.
La chute de l’URSS en 1991 fut un moment vertigineux : Beaucoup de ressources étaient russes (économiques, alimentaires, universitaires, administratives…) et manquèrent brutalement sans que les ressources ouzbèkes ne puissent les remplacer immédiatement. Les provinces voisines devenant brutalement des états indépendants fixèrent des limites à la mobilité des populations générant de nombreux conflits, dont certains perdurent, autour de frontières qui n’avaient jamais été sérieusement définies.
L’écriture et la langue firent aussi les frais de cette époque : jusque-là écrite en caractères arabo-persans, la langue ouzbèke (d’origine turcique) passa aux caractères latins de 1928 à 1940, puis aux caractères cyrilliques de 1940 à 1992 et connut enfin un retour progressif aux caractères latins remaniés depuis 1992. Aujourd’hui la langue ouzbèke est la langue officielle, mais le russe, bien que la population russe ne constitue plus que 2% du pays, reste présent dans les affaires et la haute administration, dans de nombreuses chaines de TV et sur internet. Elle est aussi une langue utile pour les très nombreux travailleurs ouzbeks en Russie. Le tadjik et le karakalpak sont également parlés par des minorités. Pour le touriste cela présente quelques difficultés car un texte en cyrillique n’est pas forcément en langue russe, ce peut être un texte en ouzbek ou en tadjik. L’anglais progresse aussi comme langue d’échange.
L’Ouzbékistan aujourd’hui
En 2016, le remplacement du président Karimov, mort en fonction après 26 ans de règne autocratique et corrompu, par Shavkat Mirziyoyev qui était son 1er ministre depuis 2003, a amené une ouverture extérieure importante, un souffle économique indiscutable, un vent de réforme et de libéralisation, surtout économique, sans que l’habitude de contrôle du régime ne disparaisse totalement. La nouvelle constitution de 2023 confirme le statut laïque de l’État et améliore sensiblement l’état de droit, la séparation des pouvoirs et les libertés individuelles.
Aujourd’hui, l’Ouzbékistan est dans une situation d’équilibre complexe :
- Le dynamisme économique et social créé par le président saute aux yeux de tous les visiteurs, mais un certain nombre de pesanteurs soviétiques restent perceptibles. La situation économique est encore fragile et la « politique multidirectionnelle » qui vise à améliorer ses relations avec ses voisins et à équilibrer les relations de l’Ouzbékistan entre la Russie (20% des échanges), la Chine (20%), l’Occident ( 10%) ou la Turquie (6%) est complexe, d’autant que les pénuries nationales de gaz ont nécessité des accords avec les russes. Alors que les relations s’amélioraient avec la Russie depuis 2017, un ministre des affaires étrangères a vertement condamné l’invasion russe de l’Ukraine dès mars 2022, il a cependant été rapidement remplacé et l’Ouzbékistan était prudemment absent lors du vote à l’ONU sur ce sujet. Il faut dire qu’environ 4 millions d’ouzbeks travaillent en Russie et envoient en Ouzbékistan des sommes représentant environ 18% du PIB ouzbek, en plus d’une imprégnation à l’omniprésente propagande russe ! On constate cependant que depuis deux ans les relations russo-ouzbeks se distendent malgré d’indispensables accords gaziers.
- Dès l’indépendance, une reconstruction identitaire vigoureuse s’est mise en place pour valoriser le patrimoine historique national au détriment du patrimoine soviétique. En un mot, les statues de Timur (Tamerlan) ont remplacé celles de Lénine et tous les monuments timourides ont été restaurés et mis en valeur. Mais la dépendance, en particulier universitaire, à la Russie reste forte.
- Le régime garde le contrôle sur l’Islam traditionnel ouzbek non politique, sur l’enseignement des religions dans les écoles publiques à travers les cours de philosophie, sur une formation nationale des imams sous la responsabilité de l’administration, et autorise le port du hijab mais pas celui du niqab. La constitution interdit les partis politiques et associations publiques « fondés sur des principes nationaux et religieux ». Le sentiment du voyageur est d’ailleurs celui d’un Islam tolérant, avec peu de femmes voilées et une présence du « thé blanc[1]» et de la bière assez fréquente. Néanmoins un islam plus rigoriste, voire parfois islamiste est présent, souvent réintroduit en Ouzbékistan par des travailleurs immigrés en Russie, fortement discriminés par les russes, donc communautarisés et par là accessibles aux propagandes islamistes. Il est à noter que le gouvernement Ouzbek, très éloigné des théories talibanes, est cependant leur premier partenaire pour lutter contre leur ennemi commun, Daesh. Certains services de renseignements indiquent d’ailleurs que la zone est en fort risque de désordres futurs.
Quelques mots sur le voyage
Notre voyage a duré quatre semaines en mai-juin. Il a été organisé avec l’agence Silk Road Destination de Samarcande avec une couverture d’Evaneos dont l’apport est assez faible.
Notre interlocutrice chez Silk Road Destination, parachutée dans cette cette fonction suite à un départ, a eu beaucoup de mal à comprendre nos attentes, et ses connaissances des régions étaient encore assez partielles. Elle s’est montrée extrêmement rigide dans le traitement des quelques problèmes du voyage. Notre guide-interprète Oybek s’est montré très courageux, bon compagnon, et habile dans les contacts locaux, un peu moins pertinent sur la connaissance de certaines régions et la culture générale. Notre chauffeur principal, Shavkat, était remarquable. Ravshan Turakulov, le directeur de l’agence, parfaitement francophone, a compris le problème et l’a correctement traité. Nous pensons malgré ces difficultés que l’agence est capable de traiter des demandes assez classiques ou faiblement personnalisées.
Remarques sur la galerie photos du voyage
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Toutes les photos sont soigneusement légendées (il est donc préférable de les consulter sur PC ou tablette que sur smartphone)
Il est cependant à noter que les informations disponibles sur internet sont rares et peu fiables, provenant pour l’essentiel d’agences aux informations divergentes. Les guides touristiques sur l’Ouzbékistan sont très approximatifs et même MAPS et OSM font de nombreuses approximations et divergent souvent. Les ressources plus universitaires ou scientifiques étant encore souvent russes ne sont guère accessibles. Enfin la translittération des noms pose de gros problèmes, les différentes sources disponibles utilisant des règles différentes. Nous avons essayé de faire au mieux pour faciliter la compréhension de tous.
Quelques ressources intéressantes
Guides et périodiques
Le guide Olizane, culturellement intéressant mais ancien
Le guide Petit Futé, très approximatif quand on sort des grandes villes
Kun.uz l’un des principaux Sites d’actualité ouzbeks en anglais, ouzbek et russe
Taschkent times, un important site d’information en ligne
Uz.daily, quotidien en ligne, en anglais, principalement économique
Novastan.org media associatif européen en ligne traitant de l’Asie centrale
Articles et blogs
https://theconversation.com/louzbekistan-un-angle-mort-des-diplomaties-occidentales-159252
https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2023-0227_FR.html
http://karakalpak.com/histsoviet.html
http://www.arabesquesgeometriques.fr/ site de Louis Arnaud sur les décors de céramiques dans le monde islamique
https://wikimonde.com/article/C%C3%A9ramique_islamique un article wikimonde sur la céramique islamique
https://www.techno-science.net/definition/4348.html article sur les techniques de constructions islamiques
https://regard-est.com/ revue en ligne proposant des analyses intéressantes
http://xorazmiy.uz/eng/tour site d’informations touristiques sur le khorezm
https://french.news.cn/20230518/98b9062288df42018670f29c59e95696/c.html un page sur la coopération chinoise en Ouzbékistan par l’agence officielle chinoise
https://outofedenwalk.nationalgeographic.org/articles/2016-09-finding-antique-hub-learning-silk-road/ récit de voyage de Paul Salopek sur la route de la soie
https://www.mamun.uz/site?language=en le site de l’académie Mamun du Khorezm
https://www.afd.fr/fr/page-region-pays/ouzbekistan pages Ouzbékistan du site de l’Agence française de développement
https://www.orientalarchitecture.com/index un très intéressant site sur les architectures régionales
https://www.culture-timouride.com/ site culturel intéressant
https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_ferrando_ouzbekistan_2024.pdf une étude de l’IFRI sur le renouveau religieux de la jeunesse en Ouzbékistan
https://www.ijstr.org/final-print/jan2020/Complex-Of-Country-Architectural-Ensemble-Complexes-Chor-Bakr.pdf, une belle étude de ce site près de Boukhara (le site comprend de nombreuses autres études)
https://sanat.orexca.com/2012/2012-3/kundal-mural-painting-technique-in-the-monuments-of-uzbekistan/ article sur les techniques de décoration dans le Journal de l’académie des arts d’Ouzbékistan
https://encyclocraftsapr.com/kundal-polychrome-decorative-wall-painting/ autre approche sur la même technique
https://blogs.timesofisrael.com/reporters-notebook-my-chaotic-week-in-uzbekistan/ amusant récit d’un bref voyage par Larry Luxner
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/ouzbekistan-1general.htm Une intéressante étude de l’Ouzbékistan par l’université Laval du Canada
https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/244 Tradition et construction identitaire dans la musique de mariage des femmes ouzbèkes
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/sur-la-route-de-la-soie-la-preservation-controversee-du-patrimoine-de-samarcande réflexion sur les restaurations du patrimoine de Samarcande
Ouvrages intéressants :
Aral, René Létolle et Monique Mainguet, 19932 éditions Springer Verlag
L’Asie Centrale de Tamerlan, Alexandre Papas et Marc Toutant, éditions Les Belles lettres, 2022
Géopolitique de l’Ouzbékistan, Jacques Barrat, Coline Ferro, Charlotte Wang, 2010 éditions SPM
Pouvoir, don et réseaux en Ouzbékistan post soviétique, Boris-Mathieu Pétric , 2002, PUF
Par les monts et les plaines d’Asie Centrale, Anne Nivat, 2006, Fayard
[1] Nom local de la vodka, parfois servie dans des théières