Cinq semaines en Arunachal

Voyage effectué en février mars,

galerie photos (cliquer ici)

Le texte ci-dessous complète les textes de la galerie photo et donne à la fin quelques informations pratiques, conseils de voyages, avis sur certains prestataires et des références bibliographiques.

L’Arunachal, vous connaissez ?

* A l’extrême Nord-Est de L’Inde, sur les abrupts contreforts de l’Himalaya, 85000km2 de montagnes qui dominent la plaine d’Assam et partagent des frontières avec le Bhoutan, le Tibet, la Chine et la Birmanie. Malgré l’impression que donne la carte d’Inde, le pays est à une latitude correspondant à 300km au sud du Caire, et donc a un climat beaucoup plus tempéré que les Alpes.

* Une zone à l’histoire bien agitée, administrée par l’Inde Britannique depuis 1826, puis par l’Inde indépendante depuis 1947 (sous le nom de NEFA, North East Frontier Agency), 25e état de L’Inde depuis 1987, c’est un territoire toujours revendiqué aujourd’hui en 2015 par la Chine[1] qui l’a attaqué en 1962, envahi totalement, écrasant l’armée indienne, puis s’est retirée sans explications au bout de quelques semaines. Il en reste aujourd’hui une présence considérable de l’armée indienne dans la région.

* 1,4 millions d’habitants essentiellement ruraux, pour les deux tiers aborigènes (le gouvernement indien les nomme adivasis ou scheduled tribes[2]), répartis en 103 tribus de 5 à 250000 personnes. Presque autant de langues et de dialectes, pour la plupart sans forme écrite, dont les spécialistes discutent encore aujourd’hui l’origine.

* une zone interdite aux étrangers, et pour l’essentiel, également aux indiens, du milieu du XIXe siècle au début des années 2000 et à l’accès toujours contrôlé aujourd’hui.

* Une identité religieuse très différente du reste de l’Inde, sans castes, avec des bouddhistes tibétains au Nord-Ouest, des bouddhistes theravada  à l’Est[3] et une forte majorité d’animistes dans le reste du pays, protégée jusqu’en 1978 par une interdiction des missionnaires, mais  grignotée depuis par des conversions chrétiennes, principalement baptistes, bien que la cour suprême, dans un arrêt de 1995, diversement appliqué, ait statué sur le fait que tout aborigène converti au christianisme perd son statut protecteur.

* Une justice et un système de propriété fondés sur les structures tribales fortes, dont beaucoup ont de vraies traditions démocratiques .

* Un état pratiquement sans impôts directs pour les aborigènes qui bénéficient par ailleurs d’une forte discrimination positive (accès à l’éducation, postes réservés dans la fonction publique, place d’élus, programmes d’aide, protection des terres….[4]). Une attitude du gouvernement central de l’Inde très ambigüe entre la mise en avant de ces cultures tribales et le souhait d’intégration, et même d’hindouisation, officiellement dans la perspective de les associer au « Progrès ».

* Des infrastructures très rudimentaires en termes de routes, d’alimentation électrique (présente presque partout, mais pas tout le temps !), d’encadrement médical[5] et de qualité des fonctionnaires difficiles à recruter pour ces zones[6]

* En matière de salaire, il existe apparemment un salaire minimum dans les emplois gouvernementaux d’environ 15000 roupies par mois (250€), le salaire d’un instituteur est de 20 à 40000 roupies et le revenu disponible (après autoconsommation) d’une famille rurale ne descend pas en dessous de 40000 roupies par an. Le salaire d’une serveuse de restaurant est de 7000 roupies par mois. Seuls les fonctionnaires disposent de prestations sociales et de retraite. Leur sort est envié par l’ensemble de la population.

* L’Arunachal dispose de deux députés au parlement de l’Inde, a son propre parlement élu et une structure qui combine un gouverneur nommé par l’Inde et un chef du gouvernement issu des élections locales.

Quelques notions sur les principales tribus

* à l’ouest on trouve principalement les tribus monpas et sherdukpens de tradition bouddhiste, principalement de l’école Gelugpa (celle du Dalaï Lama). Les monpas parlent une langue tibéto-birmane très différente du tibétain, bien qu’écrite dans le même alphabet. Les sherdukpens parlent une langue différente.

* à l’est on trouve des tribus Khamptis et Singphos de tradition bouddhiste hinayana (petit véhicule), provenant de Thaïlande et Birmanie avec, pour le premier, une langue et une écriture d’origine thaïlandaise et pour le second une langue tibéto-birmane souvent écrite en caractères latins..

* au centre, on trouve principalement le peuple Tani, lui-même subdivisé en tribus (adis, apatanis, Nyischi…), elles-mêmes redécoupées, ainsi que le peuple Mishmi. Fondamentalement le peuple Tani se pense descendant de Abo Tani , le premier homme sur terre. Les langues et dialectes de cette région sont des langues tibeto-birmanes sans forme écrite ancienne. Ces peuples sont fondamentalement animistes, avec des traditions très proches des cycles agricoles, rassemblées autour de Sedi, dieu créateur de toutes choses et dont les yeux sont le soleil (féminin) et la lune (masculin) (ou de Inni créateur de toutes choses pour les Mishmis). Ces croyances, étant vivement menacées par les chrétiens, surtout baptistes, ont fait l’objet d’une structuration en religions plus formalisées depuis 1960 , notamment le culte  Donyi-Polo dans les peuples Adi[7](ou de la déesse Nani lntiya pour les Mishmis) . On y pratiquait beaucoup l’agriculture jhumming et shifting (déboisement et brulis), en diminution aujourd’hui au profit des cultures en terrasse et, dans les tribus apatani, l’originale culture humide riz et poissons.

* Au Sud, que nous n’avons pas traversé, se trouvent les tribus Noctes et Wanchos du district du Tirap.

L’arrivée en Arunachal

Vous êtes entrés en Inde avec votre visa, vous avez obtenu le Célèbre PAP (Protection Area Permit), vous êtes arrivés dans l’immense plaine d’Assam seule voie d’entrée, sur de belles routes surchargées de voitures, de motos, de bicyclettes, de charrettes à bras, de poussepousses ou de cyclo-pousses, de vaches, de chèvres, de chiens, dans un bruit incessant de klaxons étourdissants. Vous admirez l’immense étendue de rizières ou de plantations de thé, les saris multicolores et les temples hindous. Et vous apercevez au loin les contreforts de l’Himalaya.

Le west Kameng

A Bhalukpong, vous passez la barrière d’Etat, plutôt bon enfant, et vous voilà en Arunachal, plus précisément dans le district du West Kameng.

Les routes sont plus étroites, en attendant d’être mauvaises, mais elles sont presque désertes. D’abruptes pentes vous entourent, couvertes d’une jungle épaisse. Les exubérantes couleurs des Saris ont disparu cédant la place à des tenues moins colorées et, à chaque instant, les arrières des camions et de multiples panneaux vous rappellent qu’il faut klaxonner pour signaler votre présence dans les courbes aveugles de ces routes étroites en corniche. Il est vrai que de 200 m à Bhalukpong, le district s’élève à plus de 7000m au mont Kangte.

Vous croisez bientôt d’étranges cabanes faites de tôles ondulées aplaties et noircies dont vous apprendrez vite qu’elles abritent les travailleurs des routes et leurs familles, ceux de la célèbre BRO (Border Road Organization) qui est l’organisme en charge de la création et de l’entretien des routes dans les zones frontalières de L’Inde (et des pays amis limitrophes amis), surtout quand elles sont difficiles et n’intéressent pas les compagnies privées. Il est à noter que la BRO reçoit ses fonds du ministère des routes mais est sous commandement militaire[8] et que sa réputation auprès de la population est assez médiocre, la plupart pensant que son inefficacité est liée à la corruption, le gouvernement pensant plutôt que sa double tutelle, supprimée depuis peu, est à l’origine du problème.

Le paysage est rempli de militaires, de casernes, des slogans de l’armée et de la BRO et de tapageuses publicités pour l’extension de la 3G, mais vous constatez que votre mobile (comme en Assam), s’il confirme la présence de réseau, reste obstinément bloqué, comme tous ceux des étrangers, sécurité militaire oblige. La crainte des chinois reste très présente ici.

Les échoppes sont semblables à celles de l’Assam, avec la même profusion de légumes. La quasi-totalité des constructions, bâties sur les bords abrupts des routes, s’appuient sur d’immenses pilotis qui compensent les pentes.

Et puis, vous voyez rapidement apparaitre des petits drapeaux multicolores en guirlandes, couverts d’une écriture minuscule , les bannières de prière : vous êtes en terre bouddhiste. Le voyage peut commencer.

Shergaon, les Shertukpens

Un peu après Tenga, nous quittons la route principale en direction de Rupa et Shergaon, dans la tribu des Shertukpens [9] (officiellement sherdukpen en français). La légende locale veut que cette tribu descende de Songtsan Gampo empereur du Tibet au 7e siècle mais les scientifiques sont moins affirmatifs. La famille aisée qui nous héberge rassemble un mari fonctionnaire et une épouse agricultrice, élue au conseil de district, femme au foyer, qui vend des tomates et des pommes de terre et cultive 300 pommiers. La maison est simple, dans le style des constructions de bâtiments administratifs, sans aucune isolation. La cuisine, moderne, est équipée d’un réchaud à gaz à bouteille. Il y a une ampoule électrique dans chaque pièce mais le courant est très intermittent. Le chauffage est assuré dans certaines pièces par des poêles à charbons qui fument considérablement. L’eau de source (froide) est à l’extérieur comme les toilettes traditionnelles (turques à seaux d’eau). Le sommier est en bois et quelques couvertures font office de matelas. Les couvertures sont très chaudes et évitent de ressentir une chambre à 3°C le matin (nous sommes à 1950m), il suffit de s’habiller vite. Comme nous le verrons tout au long du séjour, le repas est composé de riz accompagné de quelques légumes bouillis, optionnellement d’une sauce pimentée, et d’un peu de viande ou de poulet. Chacun mange avec les doigts. Les boissons ordinaires sont l’eau, le thé au lait et l’alcool de riz. Notre grippe finissante nous donnera droit à un traitement classique : alcool de riz jeté dans de la graisse frite d’ours brun ou du beurre de yak (très efficace). Le petit déjeuner classique au thé, au puri baghi (recette sur http://www.indianfoodforever.com/holiday-recipes/karwa-chauth/puri-bhaji.html) et aux bananes .

Un soir, les hommes de la maison partent à la chasse à 80km (chasse à la lampe, de nuit) et rentreront dans la nuit. Ils ramèneront un petit cerf dont ils ont, selon l’habitude, mangé le foie cru, sur place, en tranches avec du poivre et du sel et qui nous vaudra un petit sauté de cerf au petit déjeuner

Le détail de nos activités à Shergaon est donné dans la galerie photo.

Une précision sur les moines du monastère de Gyuto qui sont célèbres pour leurs chœurs, les sculptures en beurre de Yak et leurs mandalas de sable. Cet enseignement tantrique n’est en principe accessible qu’aux moines qui ont suivi le cursus de 15 à 20 ans qui les a conduits au titre de geshe (ouvert aux femmes depuis 2013).[10]

Détail de la route vers Dirang et les tribus monpas[11], dans la galerie photo.     

A Dirang, logement à l’hotel Pemaling à l’entrée de la nouvelle ville. Une chambre spacieuse, normale, carrelée, avec plein de prises électriques (mais pas de courant), l’usuel sommier en planches et une salle de douche standard (toutes les salles de douches des hôtels sont composées de la même manière : un sol carrelé sans réceptacle de douche, un WC européen, une douche avec un petit chauffe-eau électrique qu’il faut mettre en marche 45’ avant la douche (dont possibilité de douche chaude quand il y a du courant !) et un robinet mural pour remplir les seaux. Contrairement aux habitations privées où l’on bénéficie un peu du feu de cuisine, l’hôtel, comme tous ceux que nous verrons ensuite, n’est absolument pas chauffé et la période entre la tombée de la nuit (vers 17h) et le diner (vers 19-20h), dans la nuit car c’est l’heure des plus fréquentes coupures de courant, est un moment peu agréable.

Tawang

La route de Dirang à Tawang est étroite et en piètre état mais très au-dessus de sa sulfureuse réputation. Cependant, la gestion de la neige n’est guère assurée et la moindre chute de neige (malgré tout assez rare) paralyse la route car il n’y a pratiquement pas de chasse neige et personne n’a de pneus neige. La veille de notre passage, une soixantaine de véhicules ont été coincés par une petite chute de neige et l’armée a dû intervenir.

Arrivée à la Dolma Khansar Guest House tout près du monastère qui est en cours d’agrandissement avec des travaux importants. La guest house appartient à la famille Chhinkar qui possède aussi l’hotel Dolma dans le centre-ville et l’internet café. Le père est né à Tawang, a fait un master de bouddhisme et a travaillé 15 ans dans l’administration bouddhiste avant de se lancer dans l’hôtellerie. Jolie chambre avec salle de bain standard mais non chauffée. La température dans la salle à manger et la chambre variera entre 6 et 10°C mais nous pourrons parfois diner ou déjeuner dans la cuisine familiale. Wifi en panne et accès à l’internet café de la famille, en ville.

Notre guide, Bhoutanais, nous dit que son père est hindouiste, sa mère plutôt animiste, qu’il a fait ses études dans une école chrétienne et qu’il est maintenant tout à fait bouddhiste, un parcours qui ne parait pas exceptionnel.

Rattaché jusqu’en 1914 au Tibet, le district de Tawang revint aux anglo-indiens après les accords de SIMLA en 1914 (contestés par les chinois). Il fut la première halte du 14e Dalaï Lama lors de sa fuite en 1959.

Bien que nous en soyons très près, l’approche de la frontière chinoise est interdite aux étrangers et l’accès aux indiens.

Nous faisons un tour vers Lumla par une très mauvaise route en corniche, défoncée par de multiples éboulements. Des travaux en cours, mais à un rythme local et avec de nombreuses carrières où les graviers sont faits à la main. Au travers des villages, en ce jour férié, nous voyons des gens fabriquer des boules pour une loterie, de nombreux jeux d’argent (interdits) et découvrons d’innombrables moulins à prière hydrauliques mus par les torrents locaux. Les paysages sont grandioses, les pentes vertigineuses et nous sommes très proches de la frontière du Bhoutan que nous apercevons à peine dans la brume.

Au monastère de Tawang, lors des offrandes à Palden Lhamo, deux moines se promènent dans la cour, et enfarinent tous les passants selon une coutume traditionnelle, puis font gouter à chacun une pincée d’orge grillée sucrée.

A de très nombreuses reprises, ce jour et les précédents, nous avons reçu des khatas, écharpes blanches de félicité, symboles de pureté, de bienveillance, de bon présage et de compassion.

Au retour vers Dirang, le passage de Sela pass (13h30) est plus difficile, brouillard épais, 15 cm de neige sur la route, et des camions militaires, malgré leurs chaines, sont au fossé et obstruent la route. Le début de la descente est pire sur les 10 premiers km car il y a plus de neige et la visibilité est nulle, mais nous avons la chance de ne croiser quasi personne sur ce tronçon qui prend cependant 45min pour 10km, les quelques croisements étant extrêmement périlleux compte tenu de l’étroitesse de la route, de la neige glissante et des à-pics.

Chandar, village Monpa

Après Dirang, nous prenons la route de Bomdila sur une dizaine de kilomètres puis tournons à gauche pour une montée de 1600m en 22km, dont seul le premier tiers est réellement praticable. Dans la suite, des passages caillouteux à forte pente nous obligent à descendre de la voiture pour permettre à notre chauffeur de passer. Arrivée de nuit vers 18h à Chandar, microscopique village monpa à plus de 3000m d’altitude après 2 heures de montée.

Entrée dans une maison en pierre non éclairée, Sol en planches, plafond en poutres et bambous fendus, toiture en tôle, avec Tsering Wangmu qui récite imperturbablement un chapelet du mantra « om mani padme hung » interrompue uniquement par les toux d’elle-même et de son époux Yeshi Tsering. Une pièce unique, un lit en bois pour nous. Les propriétaires, anciens éleveurs de yaks d’un peu plus de 70 ans dormiront par terre à nos pieds car, parait-il, ils ne supportent pas de dormir dans un lit, et notre chauffeur dans un lit d’enfant au bout de la pièce. Sange, une voisine qui travaille à la BRO (border road organisation) sur le chantier d’une route en construction pour une future installation militaire, viendra et fera la maitresse de maison. Diner de riz avec une sauce aux légumes avec les verres d’alcool habituels en cette période de Losar. Avec nos 4 ou 5 couvertures en laine et peau de Yak, ce sera, malgré l’altitude, la maison la plus chaude depuis le début du voyage. Lever de tout le monde entre 5h15 et 6h. Il fait un temps exceptionnel, très froid, l’eau est gelée dans toutes les cuvettes. Le paysage est extraordinaire et on voit tout autour les montagnes enneigées de l’Himalaya.

Dirang

Nous visitons ensuite le Vieux Dirang et sa forteresse (le Dzong) qui est peu animée. Sauf une place où une dizaine de joueurs se livrent avec passion au jeu de Kolakpa. Après le Dzong descente vers le vieux Dirang qui mélange de vieilles et belles maisons anciennes en pierre et un fatras de constructions récentes en matériaux hétéroclites et d’ordures. La notion de site protégé n’a pas encore atteint l’Arunachal.

Le lendemain matin, nous partons pour Sangti Valley, très riche vallée de culture (riz, maïs, tomates, arbres fruitiers, légumes) au Nord de Dirang. Promenade à pied dans plusieurs villages. Beaucoup de jeux d’argent, dans lesquels des professionnels siphonnent quelques économies des villageois.

Le fond de vallée est à environ 1500m, comme Dirang mais nous montons ensuite vers 2000m vers le village de Zimthoung. Les champs ont ici des pentes vertigineuses (plus de 40%) et demandent des travaux considérables, non mécanisés, pour des rendements apparemment faibles. Nous revenons à Dirang par la montagne pour y déjeuner de quelques excellents samoussas.

Bomdila (monpa)

Nous prenons ensuite la route vers Bomdila, route en corniche dans des gorges très escarpées couvertes d’une jungle épaisse. La circulation n’y est pas très dense mais les nombreux convois militaires ont une conduite très dominatrice, tout comme les nombreux sumos (taxis locaux) qui relient à tombeau ouvert l’Assam aux hautes vallées.

Nous sommes logés et (bien) nourris dans l’auberge végétarienne du monastère, parfaite, mais toujours aussi fraiche.

Le lendemain départ vers Bhalukpong , descente à forte pente dans les premiers kilomètres, puis route extrêmement impressionnante de Tenga à Sessa, en corniche avec des à-pics de 200 ou 300m, assez étroite permettant difficilement le croisement des voitures et, a fortiori, des camions, au milieu d’une jungle épaisse avec arbres géants, fougères arborescentes, partiellement détruite par la jhum cultivation qui voit croitre les bananiers dans les endroits en régénération. C’est une culture sur brulis dans laquelle on défriche et brule des parcelles de jungle pour y cultiver 2 ou 3 ans, puis on laisse la forêt se régénérer au moins une vingtaine d’années. La culture principale est du riz pluvial (c’est-à-dire sans rizières inondées) mais on trouve aussi des orangers.

Rapide passage en Assam

Passage sans problème de la frontière à Bhalukpong, où nous quittons la région bouddhiste, et arrivée en Assam où l’on retrouve  son absence totale de relief, ses foules grouillantes et colorées et la bonne qualité de ses routes avec cependant une circulation ahurissante mélangeant tous types d’engins, de piétons et d’animaux. Notre chauffeur est extrêmement concentré et roule à 80-90km/h avec force klaxon et nous traversons ainsi l’Assam pour cette très longue étape, sans un mot ni un arrêt, pas même pour voir un instant les multiples et immenses plantations de thé et rizières (à sec à cette période et parcourues de bovins faméliques), ou villages tropicaux sous les bananiers.

La capitale, Itanagar, district Papum pare, tribu Nyishi

Le passage de la frontière se fait à Hollongi, sur une nouvelle « autoroute en devenir» qui oscille entre 4 voies, 2, 1 ou… pas du tout. Nous entrons dans le district du Papum Pare dans les zones de tradition animiste et, dans un premier temps, dans la tribu Nyishi[12].

Arrivée de nuit à Itanagar (750m) que nous traversons de part en part avec beaucoup de monde et pas mal de bouchons.

La dernière après-midi, nous assisterons aux répétitions du Nyokum Yullo[13] d’Itanagar qui aura malheureusement lieu le lendemain.

L’hébergement et la nourriture magnifiques nous reposent un peu des deux premières semaines. Très beau diner en particulier avec du poulet au beurre et à la crème, des navets blancs longs, qu’ils appellent radis et mangent en salade, lentilles et petits pois (accompagné de Chablis français et chartreuse en digestif, c’est moins traditionnel, mais pas désagréable !).

Ziro, district du Lower Subansiri, tribu Apatani

Départ par Ziro sur une très belle route au début, construite par une compagnie privée mais qui n’a pas encore fait les franchissements de ruisseaux et torrents, arrivée rapide sur une route BRO classique, défoncée, étroite, en mauvais état, avec un brouillard épais et de la pluie. Il faut 5h pour parcourir les 110km qui séparent Itanagar de Ziro.

Arrivée vers 16h à l’Abasa Home Stay, à Siiro village, près de Ziro, ou Mrs Kago Kampu, femme énergique tient ce gite, sa petite famille et gère d’importantes cultures, notamment de tomates. Son mari, ingénieur fonctionnaire est en déplacement. Ils ont adopté un neveu Orphelin Tapi Sena qui sera un guide local très attentionné.

Elle dispose d’une servante qui est mariée et a un enfant. Petite chambre, mais un peu chauffée avec une salle de bain et le chauffe-eau habituels. Les diners seront excellents, poulet et œufs au bambou cuit au feu de bois, suddu yo, légumes de jardin, fruits frais à la crème, dont des kiwis exceptionnels, momos, œufs sur le plat, toasts, omelettes aux légumes…

Outre un très grand potager, Kago Kampu a introduit en 1998 à Siiro la culture de tomates qu’elle cultive maintenant à une grande échelle et a fait terrasser en carrière des nouveaux champs cette année pour 4000 pieds de tomates destinés à produire chacun 3kg de tomates qui pourraient être vendus de 20 à 35 roupies du kilo. Les trous creusés pour les plants de tomates seront fumés au fumier de vache. Des trous plus grands sont prévus pour la plantation d’actinidia (arbres à kiwis) et une mare a été prévue pour l’élevage de poissons. Un journal de l’époque dit qu’elle gagne l’énorme somme de 600000 roupies par an (environ 10000€) avec ces tomates (sans ses nouveaux champs).

Bien qu’elle ait été découragée au début de se lancer dans la culture de tomates, elle l’enseigne maintenant aux autres agriculteurs et a fondé le Siiro Women Farmer Club dont elle est la secrétaire et qui comprend aujourd’hui 870 personnes. Le président de l’association est cependant un homme ! Le principe central de ces productions est que toutes les cultures de Siiro sont bio (organic).

Elle est appuyée par les conseillers des fermes expérimentales (KVK) du ministère de l’agriculture et lance de nombreuses nouvelles productions telles que le baby maïs que la coopérative met en conserve. Elle affiche sur sa façade de nombreuses notes techniques sur l’élevage conjugué des porcs et des poissons, sur la fabrication de sauce tomate, ou l’élevage de lapins.

Nous sommes ici au sein de la petite mais très réputée tribu Apatani.[14] Les villages Apatanis se distinguent immédiatement des villages Nyishi qui cultivent sur des terrains secs, souvent en culture sur brulis ou en assolement. Ici, à perte de vue des rizières, cultivées selon la tradition Apatani : des digues, de hauteur soigneusement fixée, permettent à l’eau de s’écouler de terrasses en terrasses en conservant la bonne hauteur dans chaque terrasse. Il n’y a pas de labour des rizières et des poissons sont élevés dans cette eau. Les semis sont effectués en mars dans de petits terrains boueux et les plants sont repiqués en avril mai dans les rizières principales pour une récolte fin novembre. En février le travail principal des femmes est d’entretenir les digues pendant que leurs époux entretiennent  ou reconstruisent les maisons.

Il y a là aussi une MPCA (medicinal plant conservation area) lieu de conservation des plantes médicinales et aromatiques[15].

Autour de Ziro, se trouvent quelques villages traditionnels apatani.

L’inscription récente du village de Hong au patrimoine de l’humanité et le petit afflux de touristes qui s’en suit (nous en rencontrerons deux en deux jours) rendent la population assez réticente vis-à-vis de la photographie, en partie par crainte qu’on leur vole ainsi leur âme et, en partie pour essayer d’obtenir quelque monnaie. Il est sans doute vain, comme en beaucoup d’endroits de tenter de visiter ces villages sans un guide local.

Ces villages semblent majoritairement animistes et les drapeaux de Donyi polo[16] ornent de nombreuses maisons, tout comme les autels privés montés en bambous, et ornés de têtes de coq et d’œufs brisés qui ont pour vocation de guérir maladies ou difficultés.

Chaque village est divisé en clans, Hong, par exemple en possède 16, correspondant grosso modo à des grandes familles. Les unions à l’intérieur du clan sont interdites. Chaque clan possède un lappa, sorte d’estrade qui sert de lieu de réunion et de cérémonie aux hommes du clan pour les décisions importantes. L’accès aux lappas est interdit aux femmes mariées. Il y a également dans les rues des grands mâts dits Babo préparés pour la fête de printemps, dite myoko.

Près de Ziro, cérémonie de mariage

Apparemment, dans le mariage[17], la famille du marié doit effectuer les premiers cadeaux, en général un Mithun pour le beau-père (diiran), un petit mithun pour un frère ou cousin (lache) de la mariée et une vache pour un autre frère ou cousin (ari mechu). En retour ceux-ci promettront de fournir au jeune couple le riz (sous forme de droit à récolter un certain nombre de « champs ») dont ils ont besoin pour la première année (le riitu) et les parents de la mariée, s’ils en ont les moyens, offriront une cérémonie de retour dite miida datchi ( Il existe aussi une variante Miida datii  mais beaucoup plus couteuse et peu pratiquée) avec des cadeaux proportionnés aux cadeaux initiaux. La cérémonie se déroule entièrement dans la maison des parents de la mariée qui assume la totalité de la réception, ainsi que les cadeaux. C’est à l’issue de cette cérémonie que la mariée part définitivement dans son nouveau domicile.

Le déroulement de la cérémonie est visible dans la galerie photo.

Passage en Assam

Nous reprenons ensuite la route vers le sud en direction de Yazali et Potin (2h de route). Sur cette route grand nombre de chauffards roulant à toute allure vers le Nord sans aucun avertissement dans les virages. A Potin, nous tournons vers Lichi, Kimin et North Lakhimpur (3h depuis Potin), Dans cette partie, la route est meilleure et peu encombrée. L’Assam n’a pas changé, bonne route, circulation frénétique et sur des routes encombrées de tout.

Nous arrivons de nuit aux environs de Pasighat.

Pasighat, chef lieu du district d’East Siang, tribus Adi

Nous passerons deux fois à Pasighat, une fois à l’aller, et une fois au retour de notre séjour au Nord. Pour des raisons de clarté, le texte et la galerie photo rassemblent ces deux passages en un chapitre unique.

Pasighat[18] se veut la plus ancienne ville d’Arunachal, au cœur du peuple Adi[19], créée en 1911 par les anglais qui eurent fort à faire dans les guerres contre le difficile peuple Adi. Les Adi sont divisés en sous-groupes (padam, Minyong, Padi, Pangi pour ceux que nous avons vus) originellement séparés par des limites géographiques claires (rivières…), qui se sont combattus durant des siècles jusqu’à ce que la guerre des anglais les rapproche. Ils parlent cependant des dialectes quelque peu différents d’un groupe à l’autre.

Nous nous arrêtons aussi à Rani, village Adi Minyiong (originaires de la rive droite de la rivière Yamne) où nous rencontrons le frère de Talem Dorang que nous verrons à Pange, et dont la famille s’est établie ici, il y a plus de 60 ans. Selon la tradition Adi, comme il est le plus jeune frère il est chargé de s’occuper de sa mère. Il nous explique que nous sommes au milieu de la fête d’Aran, dernière fête, juste avant la reprise des cultures que nous verrons plus en détail à Damroh.

A côté de Pasighat, nous sommes logés dans la maison d’hôtes de la Donyi Polo Tea Estate, plantation de thé d’environ 1000 Ha, où le propriétaire, Omak Apang, qui est un ami fort agréable d’Oken Tayeng, nous reçoit.

Omak, qui est né en 1971 a été député de l’Arunachal au parlement d’Inde il y a quelques années et ministre du gouvernement central de l’Inde en 1998-1999, donc à 27 ans ! L’une de ses phrases favorites est « ne me croyez jamais, je suis un politique ! » Son père a, pour sa part, été chef du gouvernement d’Arunachal pendant plus de 20 ans. L’épouse d’Omak, Audrey Apang, est propriétaire et directrice de plusieurs journaux en anglais dont l’Arunachal Times (que nous aurons du mal à trouver à Pasighat), et présidente d’une association pour la promotion des femmes. Elle a de la famille en France, à Nice, à Limoges et à Cahors.

La cuisine, dont Omak ne craint pas de se préoccuper (avec des expériences de crêpes et de pain de mie), est magnifique et allie, avec bonheur, tradition d’Arunachal et savoir-faire européens. Mais selon la tradition, Omak nous regarde manger et participe au service, puis va manger seul, dans un coin, en nous tournant le dos.

Nous rencontrons là un ingénieur allemand qui a épousé une arunachalienne, premier couple mixte Europe-Arunachal, et fondé une société pour exploiter un brevet de réalisation de poutres industrielles à partir de bambous assemblés. Il nous explique cependant que l’Inde est très nationaliste rendant extrêmement difficile pour un étranger l’obtention de marchés de bâtiment mais qu’il peut exister une possibilité d’acquisition de terre en ville, à condition pour cela de s’entendre avec le Gaon burrah (chef de village) et éventuellement les faire enregistrer administrativement mais que l’un sans l’autre ne vaut rien.

La plantation emploie environ 500 personnes et nous verrons la procédure de récolte et de transformation du thé (voir photos).

Nous partons ensuite sur la route de Roing (qui est fermée avant Roing suite aux pluies des derniers jours), en pleins travaux pour atteindre au bout de 50km le village Idu Mishmi[20] de Aohali.

Abor Country est en train de construire au bord du Siang un camp, principalement destiné aux activités de rafting. Nous y rencontrons également le Dr Joram Beda secrétaire d’état au tourisme d’Arunachal qui vient discuter de divers projets (Siang festival, trouver un village correspondant aux critères de « Voyage en terre inconnue »…) et qui indique qu’il cherche à permettre l’obtention des visas à l’arrivée, à simplifier le PAP. Il note que le blocage des téléphones des étrangers est une forte limitation dont il ne voit pas les causes réelles. Il considère aussi que les toilettes et les salles de bain sont l’un des gros problèmes de développement du tourisme en Arunachal et nous le confirmons dans cette idée. Nous discutons aussi de la possibilité de maintenir un tourisme culturel qui, en général détruit la culture objet de sa visite. Il considère que l’on n’a pas le droit de maintenir des aborigènes dans leur situation et qu’il faut les conduire vers le progrès, dans un esprit d’égalité et que par conséquent la seule voie est la folklorisation des coutumes et traditions, vaste sujet. Conversation ouverte et agréable, mais avec la présence de deux gardes du corps armés.

Nous faisons réparer un pneu en face de la prison puis partons en direction de Pangin: 80 km dont le début et la fin sont épouvantables et le milieu presque miraculeux.

Pangi, village Adi Minyong

Nous quittons ensuite Pasighat en direction de Pangin pour rejoindre le village de Pangi. 80 km (3 heures) d’une route dont le début et la fin sont épouvantables avec un tronçon neuf au milieu qui semble miraculeux. Pour ceux qui souhaiteraient reconstituer l’itinéraire, les cartes de Google maps et d’Openstreet map sont particulièrement fausses dans cette région. Pangi est en fait, comme Sissen, sur la rive droite du Siang, quelques kilomètres avant Pangin en venant de Pasighat.

Along, chef lieu du West Siang, tribu adi galo[21] (ex adi gallong)

Revenus à la route, nous remontons le Siang jusqu’à Pangin, puis bifurquons à gauche, le long de la rivière Syiom vers Aalo. Les 35km alternant comme d’habitude le meilleur et le pire avec pas mal de glissements de terrain et d’éboulements dus aux dernières pluies, nous demanderont 1h30. Nous logeons au Toshi Palace, titre qui fut sans doute mérité mais ne l’est plus par l’hôtel qui est certes assez cossu, mais assez mal tenu contrairement au restaurant qui est magnifique avec une très belle carte locale. Nous y réviserons en particulier nos connaissances sur quelques « pains » locaux :

  • Le papadum est une petite crêpe fine et rigide de farine de lentilles que l’on fait griller sur le feu
  • Les chapati sont faits à la farine complète, sans levure, et cuits rapidement sur une plaque.
  • Le nan est à peu près identique mais cuit au four tandoori
  • Le paratha est un pain plat qui ressemble au chapati fait avec de la farine blanche et un peu de matière grasse
  • Le puri est une galette de farine souvent de blé, salée, sans levure, frite.

Vers Yingkiong (chef-lieu de l’upper Siang district), tribus adi et memba

Nous reprenons la route vers Pasighat sur quelques kilomètres et prenons la route à gauche vers le Nord et Yingkiong le long de la haute vallée du Siang, qui est étroite et impressionnante, parfois proche de gorges. Dès qu’un espace le permet , elle est bordée de rizières en terrasses soutenues par des murs de pierre et il parait qu’on y cultive essentiellement du riz gluant (oryza sativa) qui est le seul apprécié ici. Et nous mettrons la journée pour atteindre Yingkiong (voir photos).

Damroh (tribu adi padam)

53km en plus de 4 heures pour atteindre Damroh qui est le cœur de la tribu des adi padam[22], branche importante du peuple adi.

Nous logeons pour notre part dans l’éco-lodge Yamne Abor, un peu à l’écart du village au-dessus de la rivière du même nom. Cuisine du soir variée et de bonne qualité. Repas de midi pris chez divers familles.

Nous y rencontrerons notamment Cléa Chakraverty[23], jeune journaliste française qui fait un master d’anthropologie et passe quelques temps ici pour travailler sur la réforme de donyi polo[24]. Elle nous apportera d’ailleurs de nombreuses clés de compréhension que notre guide n’était pas en mesure de donner.

Nous comprenons que ces croyances animistes sont une religion individuelle ou chacun a un lien direct avec le dieu unique connu sous le nom de Sedi, créateur de toutes choses et dont les yeux sont le soleil (féminin) et la lune (masculin). Il n’y a pas à proprement parler de culte et les chamanes (appelés ici miri) ne sont pas un clergé mais des gens qui ont eu révélation de leur pouvoir et se déclarent chamanes, c’est-à-dire plutôt guérisseurs ou exorcistes. Un groupe d’intellectuels a décidé, dans les années 60, d’institutionnaliser ces croyances (en y intégrant d’ailleurs quelques traces d’hindouisme) en une religion Donyi Polo et en créant différentes institutions dont la donyi polo yelam kebang, des temples (dits ganggings), des textes formalisant par écrit certaines traditions orales, une iconographie et, en particulier les chants des chamanes, chaque chant étant spécifique d’un traitement et en créant des cérémonies (le samedi matin).

Malgré tout le nombre de chamanes est en baisse car, pour de multiples raisons, de nombreuses personnes découvrant leur don ne souhaitent plus en parler.

Il y a différents types de chamanes (dits miri), ceux qui soignent, ceux qui dirigent les cérémonies, et ceux qui sont chargés d’apaiser les esprits de personnes décédées anormalement et qui pourraient vouloir revenir dans leurs maisons. Les miri utilisent plutôt des formules ou incantations magiques pour soigner, plutôt que des chants.

En haut du village, nous voyons l’endroit où la tradition dit que sont enterrés les fondateurs du village et la place où les clans se rencontrent quand il y a un différend entre eux. Un peu plus loin sur la route il y a une carrière ou se trouvait un arbre, réputé être celui de la fertilité et où se rendaient de nombreux animistes. Le propriétaire de la carrière étant devenu chrétien, il a coupé l’arbre. Il ne semble cependant pas y avoir de conflits entre animistes et chrétiens, ces derniers indiquant simplement qu’ils ne croient plus aux « superstitions » animistes.

Les procédures de mariages ici sont très tolérantes. Le marié peut venir vivre plusieurs années chez sa belle-famille, voire même y avoir des enfants sans que cela pose de problèmes, mais après le mariage, lorsque le mari a des revenus et a construit une maison, c’est la mariée qui va chez son mari. Les prénoms sont donnés aux enfants après la troisième nuit, signifiants et choisis par les anciens, éventuellement sur suggestion des parents.

Les villageois nous parlent aussi d’un avion américain écrasé dans la montagne durant la 2e guerre mondiale et qui est à trois jours de marche du village. Un, équipe américaine est venue voir ce qu’il en restait, mais les villageois ont récupéré des caisses de munitions qu’ils stockent dans les maisons et qu’ils s’amusent de temps en temps à faire exploser.

Dans ces zones tribales, la gestion des terres est entièrement orale et il n’y a pas de cadastre, ni de bornes. Il n’y a d’ailleurs aucune tradition écrite. Une partie des terres est communautaire et une partie appartient à des familles ou à des clans. La transmission des terres est faite entre les fils, par le père de son vivant ou, si son décès est brutal, par le fils ainé avec le conseil des frères du père. Il y a de temps en temps des conflits de voisinage réglés par les conseils de villages. Il est interdit de défricher un terrain communautaire pour le cultiver et on ne peut prélever de bois de construction sur ces terrains qu’après autorisation du conseil de village, les seuls prélèvements libres étant le bois de feu et la chasse. 

La suite du voyage nous mène en 70km (4h de route) de Damroh à Pasighat, sur un immense chantier de construction d’une future route à trois voies qui devra cependant lutter contre les falaises de glaise qui la dominent.

L’Assam

En une longue journée, notre étape nous conduit de Pasighat à Tingrai, une vingtaine de kilomètres avant Digboi. En dehors du passage sur le bac, nous retrouvons le même brutal changement au sortir de l’Arunachal : foule grouillante et circulation effarante, couleurs vives des tenues, routes majoritairement de bonne qualité.

Nous logeons chez une vieille dame, propriétaire d’une petite plantation de thé, anglo-indienne dont le père anglais, travaillait dans les plantations de thé et a été tué lors de la seconde guerre mondiale à Hong Kong. C’est une surprise après l’Arunachal : une maison tout à fait anglaise, avec un jardin tout à fait anglais. Il y a même un réceptacle de douche dans la salle de bains et des liseuses sur les tables de nuit et breakfast franchement anglais : frites, saucisses grillées, œufs au plat, porridge et corn flakes avec jus de fruits et thé anglais.  

Après la visite de Digboi, nous repartons vers l’Arunachal.

District de Lohit

Le poste frontière est à Dirak et nous arrivons dans une partie de l’Arunachal très différente de ce que nous avons vu jusqu’ici. Le pays est extrêmement plat dans cette partie du district et nous apercevons de très nombreuses pagodes dorées de style Thaïlandais.

Nous allons à Chongkham, au sein de la tribu Tai Khamti[25] de religion Bouddhiste theravada, sensiblement plus austère que le bouddhisme tibétain vu au début du voyage. La plupart des temples et pagodes de la région ont été offerts, dans les 15 dernières années par des hommes politiques de la région.

Un jeune étudiant en licence de lettres va nous servir de guide. Ses parents sont agriculteurs et font aussi quelques affaires, la maison est mitoyenne du temple de Momong et ce jeune veut faire un master après sa licence, mais de toutes façons, il devra revenir au village car il est le plus jeune et devra s’occuper des parents. Fervent bouddhiste, mais aussi passionné de cricket et de tablette, il nous dit aussi que, quand il est chez lui, il porte la tenue traditionnelle Khamti avec le phanoï, espèce de jupe longue . Il nous dit aussi que le taux de succès au bac est de 60% en Arunachal et 20% en Assam et que c’est pour ça qu’il n’y va pas. Les écoles ici fonctionnent 6 jours par semaine de 9h à 12h30 et de 13h30 à 15h. Les élèves qui peuvent rentrer chez eux le midi le font, les autres amènent leur gamelle.

La nourriture est assez différente de ce que nous avons vu dans le nord : riz dans des feuilles de phrynium, mélange de riz, de légumes et de poisson dans les mêmes feuilles, un grand bol de poisson, bol de légumes et d’algues, soupes aux fleurs de bananier, poisson grillé, lentilles et porc, bière indienne en bouteilles (8° quand même).

Nous logeons dans un vaste terrain clos de murs avec tessons de bouteilles, une lourde porte métallique et des gardiens…Mais la totalité du mur arrière est démolie ! Il y a dans cette enceinte un très beau musée des tribus Tai-Khamtis Singphos, très récent et ouvert sur demande.

Au retour, nous nous arrêtons à Namsaï, centre de la tribu Singpho[26], tribu bouddhiste doublement célèbre pour avoir fait découvrir le thé aux anglais ! et pour avoir fait une consommation immodérée d’opium qui l’a mise en danger.

Le marché de Namsaï propose des quantités industrielles de feuilles de paan (en fait feuilles de betel) et de noix de betel (en fait noix d’arec), utilisés pour rafraichir la bouche. Il s’agit d’un ensemble créant une forte accoutumance avec des alcaloïdes proches de la nicotine et colorant en rouge la salive, peut-être une voie sur l’abandon de l’opium ?

L’Assam, suite et fin

Nous retraversons une partie de l’Assam, de Dirak, à la frontière du Lohit, à Dibrugarh et visitons rapidement Dibrugarh. Toujours la même sensation en sortant d’Arunachal, d’être un paysan lozérien arrivant à la station Chatelet à l’heure de pointe !

Nous logeons à l’hôtel Little Palace inhabituellement luxueux après l’Arunachal (et disposant de vrais matelas) mais un peu dolent :Chambre sans fenêtre, sans prise électrique libre avec une télé et un wifi plus que capricieux, un restaurant à éviter et un personnel faiblement impliqué.

Dibrugarh est le dernier endroit pour acheter cardamone, anis, et thés d’excellente qualité à des prix que vous ne pourrez que regretter à Delhi.

Nous prenons ensuite l’avion pour Delhi. Le vol sur la compagnie Indigo est parfait, avec une organisation exceptionnelle. Le vol qui est juste en escale ici, fait une escale de 25 minutes, impressionnante d’organisation, comme celle que nous verrons à Guwahati : sortie des voyageurs de l’escale, vérification des restants et de leur bagages, nettoyage rapide, remontée des nouveaux passagers, sans un temps mort. Le personnel est souriant et gracieux, les avions sont des Airbus quasi neufs.

Delhi

Une petite halte à Delhi avant de repartir pour la France. Visite rapide d’une ville immense, grouillante, mêlant le luxe inouï de ses beaux quartiers à la misère la plus sordide de ses bas quartiers. Une ville telle qu’on imagine une ville indienne, le départ peut-être d’un autre voyage.

  • Quelques conseils

L’Arunachal est correctement desservi en téléphonie sans fil, mais les téléphones des étrangers sont bloqués dès l’entrée en Assam. Si c’est vital pour vous, il vous faut prévoir une carte sim locale.

Vous pourrez trouver des internet cafe et un peu de wifi dans quelques villes importantes mais ne promettez pas à vos proches de donner des nouvelles régulières et, si vous ne pouvez vous passer d’internet, choisissez une autre destination.

La saison supposée sèche va d’Octobre à mi-mars, mais en janvier février, dans la partie ouest il fait assez froid. Ne sous-estimez pas ce qui est utile pour vivre, pieds nus, dans des maisons non chauffées.

Si vous pouvez trouver des chaussures à laçage rapide, n’hésitez pas, vous les enlèverez et les remettrez sans arrêt. Prenez aussi des chaussettes chaudes, le sol des temples et autre lieux publics est assez frais

L’irrégularité de la fourniture électrique vous impose des lampes électriques avec la provision de piles correspondante. Quand il y a de l’électricité, il n’y a en général qu’un nombre très limité de prises (de type français), prenez une prise multiple.

Si le système de Wc vous pose problème, emmenez votre papier et n’oubliez en aucun cas le gel bactéricide pour les mains indispensable avant chaque repas.

Si vous utilisez des mouchoirs en papier, emmenez les.

L’inde a une seule heure, celle de Delhi. Le soleil se lève tôt (vers 6h) et se couche tout aussi tôt (18h). Or toutes les activités (magasins, repas…) sont à l’heure de Delhi. Vous risquez donc d’avoir des journées fort courtes si votre guide commence la journée à 8h-8h30. Et vous aurez de longues périodes, froides, d’inactivité entre 18h et le repas vers 20h.

 

Nos principaux prestataires (rubrique purement bénévole)

  • Abor Country Travels & Expeditions (ACTE http://www.aborcountrytravels.com)

Notre voyage a été entièrement préparé avec cette agence.

Les points forts :

  • Oken Tayeng, le fondateur et patron est quelqu’un de brillant, réactif (sur facebook, un peu moins en mail), efficace, polyglotte avec une personnalité charismatique très attachante.
  • L’organisation matérielle du voyage est quasi-parfaite, conforme à ce qui a été promis et nous n’avons pas dépensé 10€ en dehors du budget clés en mains annoncé.
  • Autant que les conditions du pays le permettent, les hébergements et la nourriture sont de bonne qualité.
  • Notre chauffeur parlait un anglais clair et parfait, conduisait prudemment et a géré la logistique sans défauts.

Les points faibles :

  • Oken nous a convaincus, quelques jours avant le départ, qu’un guide-chauffeur de très haut niveau, évitait d’avoir un guide et un chauffeur. Ce n’est pas exact, la difficulté des routes monopolise totalement le chauffeur peu disponible pour le commentaire et épuisé en fin de journée pour faire la conversation et la traduction chez nos hôtes.
  • Le chauffeur qui nous a accompagné était un excellent chauffeur, mais n’a jamais été en mesure d’assurer la part culturelle du voyage. Dans certains districts cela a été fait par des guides locaux, mais il nous semble que ACTE est beaucoup plus compétent dans les activités sportives que culturelles. Nous avons cependant rencontré un ou deux guides d’ACTE qui nous paraissaient plus compétent sur l’aspect culturel (coutumes, religions, mode de vie ordinaire,politique, botanique…)
  • Les contacts, avant le départ sont difficiles (correspondant français très peu disponible, absence de documentation écrite ou internet, informations d’avant voyage insuffisantes) alors que la documentation disponible en français sur l’Arunachal est pratiquement inexistante. Nous avons, par contre, obtenu d’Oken, des réponses rapides aux questions posées après le voyage pour documenter les textes et les photos.

 

  • Indigo

Compagnie aérienne intérieure indienne low cost de très bonne qualité avec une flotte d’avions extrêmement récente.

  • Air France

Pour le Vol Paris-Delhi et retour. L’ensemble serait satisfaisant s’il n’y avait pas, comme souvent sur cette compagnie, quelques membres d’équipage grincheux et peu serviables et, par conséquent des querelles dans l’équipage.

Agence récemment créée dont le patron, Sange Thungon, fut notre guide à Shergaon. Nous ne connaissons pas ses prestations en tant que nouvelle agence mais il fit preuve de beaucoup de connaissances culturelles, d’attention et d’écoute dans l’organisation de notre séjour à Shergaon et il fut particulièrement réactif dans les réponses aux questions posées après le voyage.

Quelques références bibliographiques en plus de celles citées dans le texte :

Comprendre la complexité structurelle de l’Inde :

* http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-27/le-cadre-constitutionnel-egalite-autonomie-et-discrimination-positive.51454.html

* http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/le-monde-indien-populations-et-espaces/articles-scientifiques/la-democratie-indienne-est-elle-representative

Comprendre divers aspects de la notion de tribu :

*Chavinier Elsa, « L’ethnicisation de la tribu », L’Information géographique 1/2008 (Vol. 72) , p. 21-31 URL : www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2008-1-page-21.htm. et DOI : 10.3917/lig.721.0021.

* en français http://www.gitpa.org/web/gitpa300-16-44indeTEXTESREFOIT.pdf

 

Sur les tribus d’Arunachal (et d’Inde en général) : 

* http://www.antrocom.net/upload/sub/antrocom/080212/19-Antrocom.pdf

* University of California Press, c1982 1982. http://ark.cdlib.org/ark:/13030/ft8r29p2r8/

* von Fürer-Haimendorf, Christoph. Tribes of India: The Struggle for Survival.

* ONG IWGIA : http://www.iwgia.org/regions/asia/india

* Ministère indien des affaires tribales : http://tribal.nic.in/WriteReadData/userfiles/file/Statistics/StatisticalProfileofSTs2013.pdf

– Site officiel du ministère indien des affaires tribales :

http://tribal.nic.in/

Une synthèse rapide sur les aborigènes de l’Inde : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aborig%C3%A8nes_de_l%27Inde

– Vue d’ensemble sur les langues sino-tibétaines : http://en.wikipedia.org/wiki/Sino-Tibetan_languages

Sur l’appartenance ou non des langues tribales d’Arunachal à cet ensemble sino-tibétain :

* http://www.rogerblench.info/Language/South%20Asia/NEI/General/Lingres/Declassifying%20Arunachal.pdf

*http://www.rogerblench.info/Language/South%20Asia/NEI/General/Lingres/NEIlingres.htm

– Sur la chasse dans les Etats du Nord Est de L’Inde: https://www.pheasant.org.uk/uploads/Pages%2061-73_Aiyadurai_Wildlife%20hunting%20and%20conservation%20in%20Northeast%20India.pdf

– Sur le monastère de Tawang

*http://en.wikipedia.org/wiki/Tawang_Monastery

*http://tawangmonastery.org/index.php

– Sur les questions religieuses

* On trouve sur google une « Religious History of Arunachal Pradesh » dont des extraits sont en ligne

*http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2012/02/en-inde-la-conversion-au-catholicisme-est-un-d%C3%A9lit.html

* http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/inde/2014-12-15-le-gouvernement-bjp-defend-les-tres-controversees-conversions-de-masse-a-lhindouisme

– Ressources générales d’Arunachal

*http://www.arunachaltimes.in/

*http://arunachalpradesh.nic.in/aptribes.htm

*http://www.niscair.res.in/sciencecommunication/researchjournals/rejour/ijtk/Fulltextsearch/2007/January%202007/IJTK-Vol%206(1)-January%202007-pp%2025-36.htm

*http://www.senat.fr/rap/r06-416/r06-4161.html (regles sociales)

*http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1746

*http://www.niscair.res.in/sciencecommunication/researchjournals/rejour/ijtk/Fulltextsearch/2007/January%202007/IJTK-Vol%206(1)-January%202007-pp%20106-110.htm

*https://pasighat.wordpress.com/2011/05/25/old-cultures-and-portraitstribes-of-arunachal-pradesh/

*http://arunachalpradesh.gov.in/people.htm

 

Notes

[1] Bien qu’en 1914, un accord signé à SIMLA entre le Tibet et la Grande Bretagne, en présence des chinois, ait fixé une frontière appelé ligne Mac Mahon, accord contesté ultérieurement par les chinois.

[2] Les « scheduled tribes » sont nommées par le Président de l’Inde et modifiables uniquement par le parlement sur 4 critères principaux : traits primitifs et retard de développement, culture distinctive, isolement géographique, faibles contacts avec la communauté.

[3] Sur le bouddhisme http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme. On trouvera dans cet article tous les liens sur les différentes écoles du bouddhisme. On peut aussi lire une courte synthèse dans http://www.bouddhisme-universite.org/decouverte

[4] Pour plus de précisions sur les sheduled tribes voir http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/le-monde-indien-populations-et-espaces/corpus-documentaire/les-minorites-tribales-dans-le-territoire-indien/

[5]  Voir pages 230 à 249 http://tribal.nic.in/WriteReadData/CMS/Documents/201410170519295222004StatisticalProfileofSTs2013.pdf

[6]  Voir le constat du gouverneur de l’Etat page 17 et paragraphe 122 après page 213

http://tribal.nic.in/WriteReadData/CMS/Documents/201409181141029304179SplReportInnerCoverPage.pdf

[7] sur les nouveaux cultes d’Arunachal voir https://www.uni-goettingen.de/de/the…/313322.html

[8] https://en.wikipedia.org/wiki/Border_Roads_Organisation et http://www.bro.gov.in/

[9] Pour quelques précisions sur la tribu des shertukpens, on pourra consulter https://shertukpen.wordpress.com/ ou

[10] Pour en savoir plus sur les monastères de Gyuto :  http://www.gyuto.va.com.au/monks/history/intro.html http://en.wikipedia.org/wiki/Gyuto_Order et on peut également trouver de nombreux enregistrements de leurs chœurs.

[11]  Sur la tribu Monpa : https://en.wikipedia.org/wiki/Monpa_people ou, plus sommaire en français https://fr.wikipedia.org/wiki/Monba

[12] https://en.wikipedia.org/wiki/Nyishi_(Tribe)

[13] Pour en savoir plus sur le Nyokum Yullo http://centralnyokumcommitee.blogspot.fr/2013/02/nyokum-yullo-mythology.html

[14] https://en.wikipedia.org/wiki/Apatani_people

[15]http://arunachalpradesh.nic.in/csp_ap_portal/pdf/Documents/cultivation-of-medicinal-plants-in-arunachal.pdf

[16]  Sur cette religion, voir http://religion.info/french/articles/article_443.shtml#.VlC0X2eFOxI,  ou https://en.wikipedia.org/wiki/Donyi-Polo

[17] Deux références  sur le mariage Apatani, dont des extraits se trouvent en ligne :

  • Marriage and culture : reflexions from tribal societies of arunachal Pradesh vol 2 par Tamo Mibang et MC Behera
  • History, religion and culture of india vol 6 par S. Gajrani

[18] https://en.wikipedia.org/wiki/Pasighat

[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Adi_people

mais aussi un intéressant document de la BBC http://www.bbc.co.uk/tribe/tribes/adi/index.shtml

et un blog local assez clair https://pasighat.wordpress.com/adi-tribe/

[20] Pour plus de détail sur la tribu Idu Mishmi

http://www.rogerblench.info/Language/South%20Asia/NEI/Isolates/Mishmic/Idu/Idulang/Idu%20Mishmi%20handbook%20Pulu%202002.pdf

et http://www.rogerblench.info/Language/South%20Asia/NEI/Isolates/Mishmic/Blench%20Tezu%202015.pdf

[21] https://en.wikipedia.org/wiki/Galo_tribe

[22] https://en.wikipedia.org/wiki/Padam_tribe

[23] Voir son blog intéressant https://cleaswords.wordpress.com/category/recherches-ethnographiques/

[24] https://en.wikipedia.org/wiki/Donyi-Polo

[25] : https://en.wikipedia.org/wiki/Khamti_people

et https://en.wikipedia.org/wiki/Khamti_language

[26] https://en.wikipedia.org/wiki/Singpho_people